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L’exil d’Idriss Deby Itno à Amdjarass hanté par sa maladie, Boko Haram et le MACT.

Voilà bientôt 25 ans que le Général Sultan Président Idriss Deby Itno trône sur le Tchad. Au vu des résultats, ces 25 années furent très longues, pénibles et un véritable gâchis pour notre pays. Les conséquences de cette longévité au pouvoir sont désastreuses sur tous les plans : politique, économique, militaire, social, culturel et sportif. Il serait fastidieux d’y revenir. Aussi, tout le monde s’accorde qu’il n’y a pas de débat sur ce chapitre. Le peuple n’en peut plus, il veut le changement à la tête du pays.

Et pourtant, le maître des séants, semble-t-il, n’a pas vu le temps passé. Il a récemment déclaré qu’il ne voit pas à qui pourrait-il confier la destinée de notre cher pays. Ses obligés débordent d’éloges et lui peignent périodiquement un tableau d’un Tchad magnifique, l’Emirat du Sahel, la vitrine de l’Afrique centrale, etc.

25 ans, c’est en effet beaucoup et ce fut effectivement interminable et pénible pour le peuple tchadien qui n’espérait pourtant ni or ni argent mais une vie paisible et libre. Après l’éphorie de la victoire, la période de grâce des années 90 durant lesquelles les nouvelles autorités tâtonnaient dans l’administration de l’Etat et les attentes démocratiques en vain, commencèrent alors les répressions tous azimuts et les rébellions armées. Le summum sera atteint en 2005 avec la saignée au sein de l’armée régulière et la création des mouvements armés dans le Darfour. La France et la Libye ne ménageront aucun effort pour que la tempête de l’Est n’emporte la dynastie des Itno.

En 2008, le pays était en insurrection, l’économie exsangue, c’est le chaos. Les royalties du pétrole encaissées quelques mois plus tard constitueront une véritable bouffée d’oxygène pour le régime aux abois. Malheureusement, comme dit l’adage : « Chat échaudé craint l’eau froide. », nous assisterons à un pillage éhonté et ininterrompu des revenus pétroliers, un véritable butin de guerre. La descente aux enfers continue. L’administration est décapitée par des nominations aux allures de domination, l’économie est sans finances, l’armée est phagocytée en clans, les affaires stagnent, plombées par la corruption ambiante, l’insécurité bat son plein, etc. Le pays marche sur la tête. Les remaniements du gouvernement et le changement de Premier ministre à intervalle de temps très court n’y changeront rien à cette folie destructrice.

Face à cette déchéance sans apogée, Idriss Deby se résout de tout abandonner, de fuir ses collaborateurs devenus des rapaces à ses propres yeux et de s’exiler dans son village natal Amdjarass, situé à la frontière soudanaise à quelques 900 Km à l’Est de la capitale Ndjaména. La Badolité du Tchad. Exactement comme ce fut au temps glorieux de Mobutu, l’avion présidentiel du Sultan Président Deby et un autre appareil assurent des navettes quotidiennes avec la capitale. Les frais engendrés par ce pont aérien se chiffrent à plusieurs centaines de millions de francs Cfa par mois, des dépenses inutiles supplémentaires pour le trésor public déjà saigné à blanc et qui peine aujourd’hui à assurer les salaires des fonctionnaires, à payer les fournisseurs de l’Etat, à assurer les bourses des étudiants, la solde des militaires et même la pension des retraités. Une situation de banqueroute en perspective…

L’exil du Président de la République à Amdjarass ne laisse pas indifférent les populations qui s’interrogent sur cette situation pour la moins incongrue. Mais elles se heurtent à un mur de silence, du reste bien entretenu par toute cette bande de rapaces qui profite allégrement de cette situation de non gouvernance. A Ndjaména, les rejetons du Général Sultan Président jouent aux maîtres absolus, un exercice du pouvoir qui ne dit pas son nom mais qui ressemble étrangement à une sorte de passation progressive de pouvoir entre le père malade et ses fils, sur fond de concurrence ! Le gouvernement, sans conseil de ministres, fait semblant de fonctionner, comme un souk.

Face à ce contexte inédit, l’opposition politique brille par son incapacité à faire entendre le gémissement du peuple tchadien. Elle pêche dans son rôle de dénonciation des politiques répressives et de la mauvaise gouvernance criarde du régime MPS qui mène le pays dans une impasse très dangereuse. L’opposition politique a perdu toute crédibilité et n’a aucune représentativité aux yeux des populations tchadiennes, elle n’existe qu’à travers des communiqués de presse relayés par la diaspora sur Internet. Ainsi, les préoccupations du Général Sultan Président cloitré à Amdjarass sont ailleurs.

Il y a d’abord la lancinante et récurrente question de sa santé. Idriss Deby est sérieusement malade et il serait même condamné. Hormis les régulières pertes de connaissance, Idriss Deby affiche, à chacune de ses rares sorties publiques, un état convalescent, ses parties visibles (visage, mains, yeux) sont bouffies, le verbe au ralenti et hésitant, une grande lassitude anormale pour un chef qui n’est plus dans les dossiers, etc. Des symptômes que la presse française, connue pour ses entrées avec les services spéciaux de la DGSE s’agissant des questions africaines, a très rapidement recoller les morceaux et parler de l’état de santé du Président Deby en des termes très inquiétants : « l’homme est trop visiblement fatigué pour aller bien loin », « la fréquence de ses allées sur le Val-de-Grâce s’accélère », « le 13 mai 2015, le croyant mort à la suite de son dernier malaise, ses proches avaient accéléré leurs démarches pour quitter le pays. ». Cela ressemble bien à une fuite organisée sur son dossier médical qu’Idriss Deby n’a certainement pas encore digéré et qui met tout le pays en haleine…

Puis, la question Boko Haram qui a véritablement tourné au vinaigre. Les attentats terroristes meurtriers du mois de juin dernier à Ndjaména ont été perçus par tous les tchadiens comme un véritable électrochoc. Malgré l’union patriotique ressentie autour de la question, le regard des tchadiens s’est vite tourné vers Idriss Deby qui, bien à l’abri à Amdjarass, n’a visiblement aucune solution concrète. Les mesures prises par l’Etat pour contrer d’éventuelles actions terroristes ne rassurent guère les populations. Ces dernières prient chaque jour Dieu de les protéger contre ces égarés assassins.

Il faut dire que Deby a longuement hésité avant d’engager l’ANT contre la secte islamiste nigériane. La France lui a pratiquement forcé la main lorsque les forces armées camerounaises ont été mises en déroute à Gambarou. Aujourd’hui, cette guerre contre Boko Haram s’éternise même si Deby annonce sa fin dans les 4 prochains mois. Si militairement la secte a subi un très grand revers, sa nuisance terroriste demeure intacte car son mode opératoire est variable. Il n’y a pas de sécurité absolue contre le terrorisme. Idriss Deby le sait et il sait qu’il est dans le viseur des terroristes islamistes (Aqmi, Al qaïda, Boko Haram) et que ces derniers ne ménageront aucun effort pour le toucher personnellement. Pire, sachant que ses ennemis sont nombreux et qu’ils pourraient s’engouffrer dans cette brèche, Deby n’a trouvé meilleur abri que sa bourgade d’Amdjarass. Mais jusqu’à quand ?

A Amdjarass, le Sultan Général Président suit de très une autre situation non moins dangereuse, celle qui prévaut dans le Nord du pays. Les bruits de bottes se font de plus en plus pressants dans le Tibesti et ailleurs. Dans un communiqué de presse rendu public il y a quelques jours, le Mouvement d’Action pour le Changement au Tchad (MACT) annonce l’installation de son commandement militaire opérationnel. Dans les milieux bien informés de ce type de sujet, on assure que les effectifs sont importants et la force de frappe est jugée suffisante pour inquiéter l’ANT. Plus inquiétant, le MACT mobilise beaucoup de jeunes combattants déterminés, beaucoup de combattants aguerris issus des mouvements armés de l’Est, l’aile dure qui n’a jamais accepté de s’agenouiller, déterminée à prendre enfin sa revanche sur la soldatesque de Deby. Aussi, ce dernier a ordonné des mesures à la hauteur de la menace : réactivation des bases militaires de Ouadi-doum, de Bardaï, de Gouro, de Fada et de Tanoua.

Le MACT est dirigé par le Dr. Ali Ordjo Hemchi, Economiste de formation, Administrateur civil, il a été enseignant à la Faculté de Sciences de Ndjaména, avant rejoindre la rébellion armée de l’UFDD en 2007 où il a assumé diverses responsabilités. Dr. Ali Ordjo Hemchi fait partie de quelques rares personnalités qui, après le démantèlement de la rébellion en 2010, ont refusé de se rendre à la dictature et à continuer la lutte pour la libération du peuple tchadien.

Après 25 ans de règne sans partage, le régime MPS a échoué lamentablement, il a atteint ses limites et symbolise le désespoir pour la jeunesse tchadienne. Les Tchadiens veulent le changement dans leur écrasante majorité. Mais des apprentis sorciers en communication leur prévoient l’enfer pour l’après Deby. Ils leur miroitent l’horreur Centrafricain et Libyen. Tout de même, il vaut mieux la fin de l’horreur que l’horreur sans fin. Le changement est en marche, rien ne l’arrêtera.

Par Abderahmane Ahmat Ndjaména – Tchad abderah2005@yahoo.fr


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